Parcs Classés Monuments Historiques

Le Montmarin.

Parc arboré classé monument historique en 1966.

 Par Thibault de Ferrand

Arrière-arrière-petit-fils du créateur du Domaine de Montmarin  

« La passion est vitale pour ce genre d’entreprise personnelle, car sans passion, pas de transmission »

A seulement 30 ans, Thibault de Ferrand assure la transition générationnelle du domaine du Montmarin, à Pleurtuit, entre Dinard et Saint-Malo. Un domaine classé Monument Historique en 1966 qui se transmet de père en fils depuis six générations. Quels sont les impacts d’une telle transmission ? Comment appréhender cette responsabilité ? Thibault de Ferrand prend la plume et y répond.  

« Un arbre est l’ami et le contemporain de plusieurs générations : que ceux que j’ai planté parlent de moi à mes petits-enfants.C’est avec ces mots d’Yves Bazin de Jesseyque mon arrière-arrière-grand-père ouvrait son cahier de plantation en 1898. Un cahier transmis par ma grand-mère lorsque je lui annonçais il y a quelques années mon souhait de perpétuer le travail engagé et accompli par mon père depuis l’ouverture au public en 1987.Reprendre, gérer et préserver le domaine familial. Une responsabilité bien plus importante que je ne l’aurais imaginé ! »

Deux tempêtes dévastatrices 

« Le Montmarin estune maison de famille depuis six générations qui abrite un parc de 6 hectaresen surplomb de la Rance, au sein duquel j’ai eu la chance de grandir. J’ai vraiment pris conscience de l’importance et de la fragilité du parc depuis la fameuse tempête de 1999, qui fit douter mes parents. En effet, c’était la seconde fois que le parc était presque détruit depuis qu’ils avaient entrepris l’ouverture de ce paradis au public. Paradis qui venait de se transformer une seconde fois en enfer. C’est aussi depuis cette tragique nuit de 1999 que j’ai compris l’importance et surtout mon attachement au patrimoine arboricole, aux arbres ! Travailler le végétal est être assujetti à des événements extérieurs non maîtrisables, les tempêtes n’en sont qu’un exemple. La météo est un paramètre majeur dans la gestion d’un parc. Elle influence chaque strate du jardin qui doit finalement être pensé en fonction de celle-ci. Ainsi, j’ai toujours entendu mon père m’expliquer que les tempêtes nous avaient permis de retrouver les perspectives originellesdu parc, nous avaient ouvert de nouveaux espaces, de nouvelles possibilités d’aménagements, fait un « ménage » que nous n’aurions jamais osé faire. Mais c’est souvent cher payé, et le traumatisme ancré dans les mémoires reste pour longtemps. »

Préserver une œuvre d’art 

« Le Montmarin, et son parc, sont à mes yeux et à ceux de beaucoup de nos visiteurs une véritable œuvre d’art. Un joyau qu’il faut chérir, restaurer, entretenir. Mais nous n’avons malheureusement pas le même traitement, notamment fiscal, des œuvres d’art. Pourtant nous créons des emplois, nous préservons des savoir-faire. Nous préservons des paysages, la biodiversité, les traditionslocales.Mais sincèrement, au regard des choix que j’ai fait je me sens parfois abandonné. Je dois l’avouer, aucun membre de ma famille ne m’a encouragé dans mon choix. Ni mon père, ni ma grand-mère, ni personne… Tout le monde est évidemment ravi, mais chacun a tenté de m’en dissuader. Parce que c’est tellement incertain, tellement compliqué, mais pourtant tellement enthousiasmant.

Je peux le dire, à travers ce choix, j’ai donné un sens à ma vie quelles qu’en soient les conséquences, présentes ou futures. Mon très cher père m’a toujours dit qu’un endroit pareil n’a de valeur que si on le vend, et que je ne savais absolument pas dans quel bourbier je comptais m’engager. Naïvement, j’étais persuadé du contraire.J’avais tort. Je suis convaincu d’avoir 50% de chance de gagner mon pari et de réussir à préserver le Montmarin, mais aussi 50% de chance d’être celui qui le vendra, la génération maudite en quelque sorte. C’est pourquoi la passion est vitale pour ce genre d’entreprise personnelle, car sans passion, pas de transmission. »

Difficulté d’accès à la ressource en eau 

« Il ne manque qu’une seule chose pour que tout soit parfait : du temps. En effet, la météo influe la gestion au quotidien. Elle ne devient problème qu’en cas de catastrophe. Les arbres en sont la variable d’ajustement, notamment quand les tempêtes nous font perdre 60% du patrimoine arboré.Au Montmarin, l’accès à la ressource en eau est notre problème majeur. Le parc est terriblement séchant, peu profond et très venté. Le climat régional nous a longtemps préservé. Mais aujourd’hui, bien que nous soyons en Bretagne (les idées reçues concernant le climat breton sont coriaces), nous souffrons depuis quelques années, à l’image d’autres régions de France, de sécheresses récurrentes. La sécheresse est bien plus qu’une pelouse grillée, c’est un affaiblissement généralisé du jardin, un sentiment d’impuissance, une destruction lente mais certaine d’un patrimoine végétal qui a mis des siècles à se mettre en place.

Est-il possible d’irriguer ?

Combien d’arrosoirs pour un chêne centenaire ? Comment le justifier auprès du public ? Nous n’avons pas de réponse, mais nous avons fait des choix. Ceux de sélectionner et de prioriser. Irriguons ce qui est irrigable en utilisant les atours dont nous disposons : mise en place de goutte à goutte, de micro-aspersion, arrosage nocturne… Pour le reste, il s’agira d’un accompagnement vers une sélection naturelle la moins radicale possible. Cela passe, notamment, par une évolution des collections. Le parc devra s’adapter. C’est l’illustration de la vie du jardinier, de la femme ou l’homme du végétal, le compromis permanent entre ce que nous souhaitons faire, ce que nous pourrons faire et ce que la nature nous laissera faire. C’est à nous de penser, d’accompagner cette évolution afin de permettre au parc de continuer son voyage et de nous faire rêver.  Par chance, le monde du végétal est encore vaste, la patience et la curiosité nous amèneront à un nouvel équilibre, une nouvelle version du jardin. »

Phrase en exergue :